samedi 27 août 2016

Hakuna Matata



Voilà Sans Direction est enfin libéré, j'ai tellement hésité à le publier non pas que je fasse ma star car c'est moi qui ai pris la décision de blogger Lavie avec Skinny mais cette fois-ci j'ai dû allez puiser au fond de mes réserves pour l'écrire.
S’il n’y avait eu la détermination de ma mère à me mettre au monde et me maintenir en vie. J’étais tellement malade! C’était en 1983, et on ne savait pas alors soigner l’infection broncho-pulmonaire avec laquelle je suis née. Les médecins ignoraient si je pourrais survivre et mon père, me tenant dans ses bras, a passé des heures et des heures dans la vapeur d’une baignoire afin que je puisse respirer. Il m’a sauvé la vie. C’est donc avec un immense sentiment de gratitude que j’ai entamé ma vie et s’il n’y avait eu d’autres raisons, la volonté de remercier mes parents aurait été suffisante pour me donner la rage de vivre. Damn tout le monde pense que je suis prétentieuse mais c'est juste la rage de vivre!
J'étais dans l'avion quand j'ai eu l'idée d'écrire Sans Direction. J'étais en direction d'Oslo, seule sans affaires. La compagnie Lufthansa avait pommé mon bagage quand j'avais fait escale à Munich. Je suis montée dans l'avion  avec uniquement mon passeport, un stylo noir, une brosse à dents, un tube de dentifrice de voyage et mon portable. Je n'avais pas de livres à lire et il n'y avait pas de film durant les deux heures de vol. Je me suis immédiatement sentie prise au piège, j'ai feuilleté le magazine de la compagnie aérienne qui présentait les dix stations de ski les plus remarquables d'Europe puis me suis occupée en entourant au stylo tous les endroits où j'étais allée sur la carte en double page.

J’ai perdu plein d'amis. Beaucoup ont aussi succombé à la drogue et au cancer. Mon petit bateau à affronter des mers houleuses que j’ai eu une chance folle de pouvoir négocier. Je suis toujours en vie. La rage de vivre!
Enthousiasme forcené pour la vie, les gens, la nature, les plantes, les arbres, les fleurs sauvages, les voyages. Et plus que tout, appétit insatiable pour le travail des autres. Vous n’avez pas idée de l’importance qu’ont eue les livres dans mon enfance. Je ne pensais qu’à ça : un nouveau livre! Vite un nouveau livre! Pinocchio, Peter Pan, Alice au pays des merveilles, Le magicien d’Oz, Les quatre filles du docteur March, des intrigues, des romans policiers, et au fur et à mesure que j’ai grandi, un flux sans fin d’ouvrages plus merveilleux les uns que les autres. Ils m’ont propulsée dans la vie. Et puis il a évidemment tout le reste : le rock and roll, l'art et le cinéma, John Woo, Spike Lee, Jackson Pollock et Sylvia Plath… Tout le génie de l’esprit humain. Toutes ces œuvres à découvrir qui me rendent heureuse d’être en vie.

Après la mort de Polo, j’ai été anéantie, physiquement, émotionnellement. Je ne pouvais plus rien faire, mais je savais que le désir et l’élan créatifs, bien qu’anémiés étaient encore vivants.  Ma première responsabilité était bien sûr de m’occuper de moi et je n’avais guère la force de faire beaucoup plus.. Des amis m’ont beaucoup aidée à me remettre sur pied. J'avais accepté de bosser avec Jonathan et Jennifer.
Lorsque j’ai écrit Sans direction, je souffrais d’un malaise diffus que je ne parvenais pas à identifier J’affrontais l’absence bien sûr, et une succession de deuils difficiles qui m’avaient fait perdre la joie. Mais ce n’était pas que cela. C’est vers la fin de l'été que j’ai compris l’origine de ce malaise persistant. Mon âge! Mon âge me rattrapait! 33 ans  Il était temps que je me confronte à ma propre chronologie.  J’ai toujours été insouciante de mon âge et de mon apparence. Puérile. Mais la froideur de la chronologie s’imposait brutalement. J’ai fini par accepter cette réalité, ou du moins me réconcilier avec elle. Et maintenant que j’ai identifié la racine de ce qui me rongeait, je me sens beaucoup mieux.

 J’ai appris que lorsqu’on perd des êtres aimés, l’amour qu’on a partagé avec eux ne meurt pas. L’amour ne meurt pas! Votre mère peut mourir mais ça n’interrompt nullement son amour à votre égard. Il est là, il est en vous! Il faut vous accrocher à cela. chaque fois que je suis seule il y a une chaleur qui envahit mon cœur et j’ai compris que c’était l’amour des miens. Il aide à ravivait la petite flamme  à l’intérieur de moi. Et je fais tout pour qu’elle ne s’éteigne pas. Parce que l’amour est autour de moi. Celui de mon père, de ma mère, de Polo, de Franck, de mes chats. Je suis peut-être seule, à ce stade de ma vie, en termes de compagnon, mais je ne suis pas sans amour! Et le fait de pouvoir écrire et de sonder ma tristesse infinie, me permet de la retourner et de découvrir son pendant qui est la joie.
C’est un sujet si délicat! J’essaie de ne pas édicter de règle ou de dire quoi que ce soit de définitif là-dessus. Mais c’est vrai que je peux parfois sentir Franck juste à côté de moi, ou ma mère. Il n’y a pas si longtemps, j’essayais de prendre une photo et je n’y arrivais pas. Mon sujet était là, pourtant. Mais je n'arrivais pas à cadrer. Qu’est-ce qui cloche? me disais-je, agacée. Et soudain j’ai senti la présence de Polo : « Bouge un peu, à gauche, là, un peu plus haut. » J’ai fait : « Ok. bien sûr. » Et c’était bon… Parfois, quand les choses se passent vraiment bien pour moi, presque trop bien, quand j’ai l’impression de sauter de pierre en pierre sans tomber dans l’eau, je me dis : « Tiens, c’est ma mère qui m'aide ». Ou quelqu’un d’autre. Et je sais qu’il arrive que Polo ou mes parents marche avec moi. Ou moi avec eux. Mais c’est quelque chose de fragile, qui se dissipe rapidement si vous vous approchez de trop près.
On ne maîtrise rien. J’étais auprès de Franck quand il est mort. Et il y a eu quelques bouddhistes pour dire : « C’était sûrement un mauvais bouddhiste car il ne part pas! Il semble vouloir rester ici! » Et c’est vrai que j’ai pu sentir la présence de Franck pendant des semaines. Quand mes parents sont mort, je les ais senti à mes côtés pendant des mois. Je pouvais être occupée à plier des vêtements, et je les voyais. En revanche, d’autres personnes que j’ai aimées sont parties instantanément, loin, très loin...fuuuuggggg! Libérées de leurs chagrins ou de leurs souffrances physiques. On ne peut pas leur demander de se manifester, on ne peut que se tenir prêt. « Ce n’est pas que les morts ne parlent pas, disait Pasolini. C’est qu’on a oublié comment les écouter. » J’ai lu cette citation avant même d’être concernée par une perte douloureuse, et ce fut très instructif. C’est comme Jim Morrison qui chantait : « You can’t petition the Lord with prayers. » Il faut faire le vide en soi et attendre. De sentir Dieu en vous. Ou votre mère. Mais on ne peut rien exiger. Juste être ouvert à la visite et se sentir reconnaissant lorsqu’elle se produit. Ce n’est pas très différent de Jeanne d’Arc qui entendait des voix. Ce n’est ni un tour de magie ni un spectacle de cirque. Ce n’est pas non plus scientifique. Mais c’est le côté poétique de la foi.

D’avoir survécu à tant de maladies. Je ne peux pas vous dire le nombre de fois où ma mère a pleuré devant un médecin qui lui prédisait que je ne survivrais pas. Mais ce n’était pas que de la chance. Je voulais tellement vivre ! Et puis j’ai bien sûr eu le privilège de rencontrer Franck à 17 ans et toute une série de gens merveilleux : Mya, Yann, So, Megh, Carla, Mel… Mais peut-on parler uniquement de chance ? Car rien n’a été facile vous savez, rien ne m’a été offert sur un plateau. J’étais maigrichonne, ingrate, j’avais une vilaine peau, les gens se moquaient de moi. La vie aurait pu être très différente si je n’avais été aussi méticuleuse.
J’ai grandi dans ces années 90, j ’avais la tête plongée dans les photos de Julia Margaret Cameron et de Lewis Carroll, je rêvais de l’accoutrement des poètes du 19ème siècle, j’adorais les tasses en porcelaine anglaise dont les gens se débarrassaient dans les marchés aux puces et je me jetais sur leurs vieux livres dont ils préféraient lire un condensé dans le Reader Digest. Ce monde était évidemment dominé par les hommes, et les filles, maquillées et chouchoutées selon des règles précises, ne pouvaient espérer devenir autre chose que secrétaires, cuisinières, coiffeuses ou mères. Insupportable pour moi! Avec mes chemises de flanelle et mes salopettes, je rêvais d’autre chose. Jo March écrivant son livre m’avait bouleversée, et puis Frida Kahlo, Marie Curie…Je crois que ma mère serait heureuse de ce que je suis devenue. Elle regretterait peut-être de me voir aujourd’hui sans boyfriend, mais elle se reconnaîtrait, dans ma façon d’être. Je ne lui serais pas une étrangère.

Sans Direction arrive bientôt .

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