lundi 25 mars 2013

Chapitre 4. Richard et Les Yakuza.



C'est parti je fais mes bagages. Beaucoup, un peu d'habits... je ne sais pas combien de temps je vais rester, ni dans quoi je m'embarque. Je mets deux maillots de bain... non QUATRE on ne sait jamais. Stop! Ok on dirait que j'écris un télégramme.

C'est parti pour un petit séjour. Un ami m'a proposé de me payer des vacances à Casablanca. Je n'ai jamais été au Maroc avant, donc un peu nerveuse. Je n'ai jamais été seule, loin de chez moi avec ce mec. Il m'a dit: "Tu devrais venir à Casa!" Mais le "ique" c'est que cet ami avait eu le béguin pour moi mais c'était il y a longtemps.
Est-ce que c'est juste par amitié? Je ne sais pas... On dirait qu'il y a quelque chose d'autre. J'ai besoin d'autre chose de toute façon.


"Quelque chose d'autre" sonne beaucoup mieux que le néant à la maison.
"Quelque chose d'autre" ça peut être chaleureux, excitant... On verra... let's go!


Direction l'aéroport, dans l'avion, je me relaxe. je suis bien détendue, je peux commencer à boire et à prendre des pilules. Je commande une vodka... non trois vodkas. Ce n'est pas gratuit?  
"Shuusshh! Autrefois, quand je prenais l'avion avec mes parents, ils buvaient gratuitement et ils pouvaient fumer autant qu'ils voulaient. Maintenant, si tu demandes "je peux fumer à l'extérieur?" l'hôtesse de l'air se moque de toi.
Le passager a côté de moi. Un monsieur d'âge moyen. Il prend ses aises, relève l'accoudoir qui nous sépare. Tranquille, au fur et à mesure il se rapproche de moi environ un demi-centimètre toutes les vingt minutes. Je n'aime pas quand les gens viennent occuper mon espace personnel.
J'ai l'impression que les hommes aiment bien faire ça. Dans le métro en particulier.
Oh! je sais très bien que moi je ne bouge pas, c'est clairement vous qui venez-vous coller à moi. Vous avez commencé par faire un pas et maintenant vous êtes pratiquement sur ​​mes genoux, je vais me plaindre hein... je suis extrêmement perspicace.
Cependant, trois vodkas en une heure, l'hôtesse ne m'a pas du tout à la bonne.
Donc je me retourne et dis tranquillement - "Si vous avez peur en avion, vous pouvez simplement me tenir la main."
Il se retourne, sourit, attrape ma main. Appuie sur le bouton "d'appel hôtesse" et me dit: "Il nous faut plus de boissons."
 

Laissez-moi vous décrire Richard.

Richard a quarante six ans (ce n'est pas une supposition, il m'a montré son permis de conduire).
Richard est marié avec deux enfants, Jessica et Alain. Jessica a vingt deux ans, Alain dix huit ans .
Le prénom de la femme de Richard est Isabelle. Isabelle a quarante et un ans.

Richard fait environ un mètre soixante dix, blanc, très très très très bronzé et une forme étonnante pour son âge. Pour n'importe quel âge a vrai dire.
C'est parce que Richard travaille quatre jours par semaine qu'il bénéficie de... peu importe...
Richard est un homme très attrayant, on pourrait le comparer à Hugh Jackman.
Richard est assez à l'aise, nous avons commencé par discuter de son travail, mais c'est là que les choses sont devenues confuses pour moi.
Je l'écoutais d'une oreille, toujours main dans la main.
Richard veut que je lui en dise plus sur moi. Richard est très extatique et complètement impliqué.
 

Richard aime écouter.

Je ne sais pas comment l'idée m'est venu de raconter une telle histoire à Richard. Je pense que c'est en partie parce que je me sentais terriblement coupable pour Isabelle, Jessica et Alain. Je pensais qu'ils méritaient la vérité, et que Richard lui ne la méritait pas. Je suppose que dans une sorte d'équilibre universel ça ne serait pas à moi de faire ça... non... mais... je devais... donc, je l'ai fait!
En outre, j'étais ivre... et je me suis laissée aller dans mon délire.

Richard me demande: (pour environ la dixième fois) "Pourquoi tu ne m'en dis pas plus sur toi?"

  
Jusqu'à présent, j'ai dit à Richard que je suis moitié japonaise moitié française. Richard aime beaucoup ce mélange. Il dit qu'il aurait deviné. Il se croit "intensément perceptif" à fond même.
Je lui ai également dit, à plusieurs reprises, que - "Je n'aime pas raconter ma vie... c'est très douloureux de ressasser tous mes souvenirs..."


Richard pose encore une fois la question. J'ai répondu en grimaçant...trop de morts... trop de saannng.....looooot et je tombe comme une merde sur ​​son épaule en pleurant.
Richard me réconforte, comme une enfant, il me caresse le visage et dit: "chhuuuttt" tout en passant sa main d'avant en arrière sur mes cheveux..
 
Les autres passagers commencent à s'intéresser.
Je dois baisser d'un ton.
J’enlève lentement ma tête de son l'épaule, il me passe une serviette, j'essuie mes larmes tout en secouant la tête et en disant - "Je suis tellement désolé... parfois les larmes, elles coulent comme un fleuve... comme une riiiiiviiiieeeerrrreeee ". Je tire sur les dernières lettres, je repars en sanglots et je me replie sur son épaule. 
Putain faut que je baisse d'un ton!

De nouveau Richard appuie sur le bouton d'appel et dit qu'une autre boisson devrait me détendre. Il se sent mal pour moi, dit-il. C'est tout ce qu'il peut faire pour le moment, dit-il. Il est là pour écouter, dit-il.
Je suis trop bien, je bois à l'oeil. C'est un bonus à ce niveau.
Je relève encore une fois ma tête de son épaule, je le laisse essuyaient mes larmes avec une douce serviette parce que j'ai complètement déchiquetté la mienne. Je l'ai découpée en petits morceaux et je les ai dispersés autour de nous comme des flocons de neige avec des traces d'eye-liner de gothique.
Je remets mes cheveux en place sur le côté, en inclinant la tête comme dans les pubs de l'Oréal.
"Très bien... Je vous fais confiance... on ne peut faire confiance à personne, vous savez. Ça fait tellement longtemps que je n'avais personne à qui parler. Vous êtes si attentionné."
Je serre sa main fermement avec mes deux mains. Il se pâme et se fond dans son siège, les yeux écarquillés, prêt pour que je lui en dise plus. Il a l'air vraiment très intéressé. Je me sens mal... jusqu'à ce que la vodka arrive.
Il presse le petit citron et il me tend le verre.Trop Gentlemen!
Je bois une gorgée... Je respire profondément. Je tourne mon corps pour lui faire face...

Je suis sur le point de dévoiler ma vie à Richard.


Non, je ne tue pas les gens.
Oui, je fais souvent face à la mort.
Non, je ne travaille pas dans une morgue.
Oui, je suis ce qu'on appelle, un "nettoyeur".
Non, je n'aime pas mon travail.
Oui, je suis très bonne dans ce que je fais... Dans l'Est et dans plusieurs provinces africaines.
Oui, nous les qualifions encore de "provinces" pour des raisons de travail.
Non, je ne travaille pas en France.
Oui, mon travail est très dangereux et politiquement mal vu là-bas.

Richard est captivé.


Je lui dis que ma famille, du côté de mon père on était tués par des ninjas pendant qu'ils dormaient.
J'arrive pas croire que je suis en train de raconter ces conneries... il est submergé!
Je lui dis que mon père est affilié au Yakuza. Je tire mes cheveux en arrière et je lui montre mes tatouages​​. Il est en admiration.
Je lui parle de mes parents, ils aiment tellement ce travail qu'ils ont failli s'entretuer, mais leur amour est si fort qu'ils ont surmonté cet obstacle.
Je lui dis que j'ai étais formée pour être une gâchette depuis que j'ai cinq ans.
Je lui explique comment nettoyer des taches de sang sur des tapis shaggy, combien je déteste les appartements décorés "design".

Richard acquiesce beaucoup.


"Je ne devrais pas vous en dire plus... Je ne vous connais pas... vous pouvez me dénoncer dès l’atterrissage... oh Dieu... s'il vous plaît... s'il vous plaît ne pas faites pas ça... oh mon Dieu... qu'est-ce que j'ai fait... qu'est-ce que j'ai dit. "
Richard saisit doucement mon menton et dit - "Tu sais... Je veux juste prendre soin de toi."
Je me détourne brusquement... "Non. Vous... vous ne pouvez pas... c'est trop dangereux... je ne pourrais pas vous mettre dans cette situation... vous... votre famille..."
Je suis vraiment consternée par mes talents d'actrice en ce moment. J'écoute même pas ce qu'il dit parce que je suis très impressionnée par moi-même.
Nous sommes bientôt arrivés. Richard me dit de venir avec lui. Il a une suite dans un Riad luxueux à Casa.
Wooooh! je suis trop tentée... ha!... NON! Pas bien Skinny! Pas bien du tout même!


Je lui réponds non... je suis ici pour voir un ami...nous avons un emploi du temps chargé.
Il me demande - "Êtes-vous... il s'arrête!"
"Suis-je quoi?" Je lui réponds. 

- es-tu ... euh... es-tu ici pour travailler?
Je regarde le sol, je tourne la tête...  Richard est apologétique - "Oh... je...je n'aurais pas du demandé à ce que... Oh... je suis désolé." Il balbutie.
"Non, non... c'est bon... Richard Honnêtement, je ne sais pas. Je ne pense pas. Ils vont justes m'appeler. J'ai pensé que c'était les vacances, mais... je ne sais vraiment pas. Je ne peux pas... je ne peux pas vous impliquer la-dedans."

Richard se jette sur son siège et tape très fort sur le sol avec ses pieds. "Bon sang!" dit-il... "ce n'est pas juste! Ça ne devrait pas être votre vie! Nous pourrions... nous pourrions être heureux!" 
En me tendant sa carte de visite...  
"Juste... s'il te plaît... si tu changes d'avis... Je sais que nous pourrions... je sais..."

Carrément incroyable!


Je pose ma main délicatement sur son visage et je lui dis: - "Peut-être dans une autre vie...  peut-être..."
Il attrape ma main, l'embrasse et la pose sur sa joue.
Nous restions comme ça jusqu'à ce nous descendions de l'avion.
A peine poser le pied à l'aéroport, je lui ai directement dit au revoir. J’accélère le pas. Je fais semblant de pleurer. Je regarde derrière moi, il est là, debout, les valises à tomber parterre.
Je sors, je vois mon ami qui m'attend près d'une voiture juste en face.
"Oh putain faut que je te raconte un truc! Une putain d'histoire" Il est tout content, tout souriant.
On monte dans la voiture, je vois Richard sortir. Il me fait le regard triste. je fais un signe de non avec la tête.

Je n'ai jamais revu Richard. Parfois je me demande ce qui serait arrivé si je l'avais appelé.
 

4 commentaires:

  1. LOL Elle raconte tout le temps cette histoire! À l'apéro, en soirée, aux inconnus qui marchent dans la rue. Parfois j'en ai marre de sortir avec elle! Les ninjas ont tués ma famille, Les Yakuza si, les Yakuza ça! Si tu me donnais 1€ a chaque fois que tu la raconte...

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  2. Haha fuck you K! meme si tu as pas forcément tord

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  3. lol comment ta fait pour ne pas éclater de rire pendant que tu racontais lhistoire a richard!!!! En tous cas térrible! Continues d'écrire jadore!

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  4. Lol a moi aussi tu me l'a racontée mais continues d'écrire ça nous distrait a nous :-)

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