mardi 22 septembre 2015

L'amour Du Risque


 Skinny, Jonathan et Jennifer. Mai 2015.


Le proverbe dit : "Ce qui nous tue pas nous rend plus fort"
J'y crois pas. Je pense que ce qui essaie de nous tuer nous met en colère et nous rend tristes. La force vient des bonnes choses, la famille et les amis qui deviennent la famille. Ce sont eux qui m'ont permis de tenir jusqu'ici.
Les gens disent que lorsqu'on envoie des mots ou des photos sur internets ils nous appartiennent plus. Des personnes se les approprient et puis ça passe d'une main a une autre et ainsi de suite. Les "old timers" disent le net c'est pour les jeunes nous on se rencontre physiquement, on parle face à face...blablabla...Pour ma part internet me permet de m’évader un peu, partager, rire, polémiquer avec des gens que je n'ai pas forcément envie de rencontrer dans la réalité. Au début des chats Caramail et tout j'ai rencontré deux trois personnes, très vite j'ai compris que ce n'était pas pour moi. Aujourd'hui je ne me sens plus capable de me nouer d'amitié ou d'amour avec qui que ce soit. J'ai rompu le contact avec pas mal de soi-disant amis. Je n'ai pas été trahi, c'est juste que je n'ai plus envie. Même les amis de mes amis ne sont pas mes amis. Peut-être qu'écrire sur le blog comble le fait que je ne pourrais jamais dire ce que j'écris à quelqu'un. Les mots s'envolent dans le virtuel et c'est fini.
Pour moi faire connaissance avec une personne relève de l'exploit, c'est un risque et qu'on le veuille ou non on n'aime l'amour du risque.

Je vous avais parlé de mon nouveau job CDI. Je me suis fait virer. Le patron m'a traité de sociopathe.
Donnez moi une cigarette, je vais vous expliquer (Pape Diouf voice. J'aime trop quand il dit ça).
J'ai signé pour être décoratrice d’intérieure cool hein...? on fait des maquettes d'assemblage selon les thèmes, on propose au client et ensuite une équipe met en œuvre tout ça! Quand tu arrives dans la boîte on te fait visiter l’entrepôt où ils exposent les belles choses, des tables de banquet, des lits baldaquins... tout pour les yeux. La théorie se passe dans un grand bâtiment avec plusieurs sociétés. En tant que nouvelle je démarre en bas de l'échelle dans un petit espace de 8h à 18h  avec mes ciseaux et ma colle en train de lécher le cul d'un lèche cul qui lui aussi lèche un lèche cul...vous me suivez?
Moi je lèche celui de Jonathan. C'est quelqu'un de très soigneux et très tactile il se maquille...oui on dirait un pédé! Mais Jonathan a un succès fou auprès des filles. Il m'a dit :
_Je soutiens la cause des gays, je m'investis dans les manifs "mariage pour tous" mais je suis hétéro.
Avec le patron ils sont comme cul et chemise, ils se tutoient et se font des blagues salastres.
Entre midi et deux, je mange toujours seule.
Jonathan m'a proposé plusieurs fois de me joindre à son petit groupe accroché à leur téléphone qui ne se parle quasiment pas et déjeune toujours au même endroit.
J'ai toujours trouvé une excuse. Les premiers jours dans la boîte il m'a beaucoup aidé, il me valorisait, il me faisait plein de compliments sur ma faculté de travail, mes raisonnements ou l’étendue de ma culture. Je savais que je lui plaisais mais il tentait rien. Il avait tout le temps le chef collé au cul.
Ce con de patron ne s'intéresse à rien, le genre de mec qui évalue ton travail sans jeter un œil. Il n'entre pas dans les expos, il n'ouvre pas un livre, il ne connaît aucun peintre et sa seule connaissance du Web se réduit à la lecture des fiches Wikipédia. Les seules conversations qui l'intéressent sont celles qui tournent autour de lui.
Il y a plus de cent employés dans cette boîte et tous les jours des gens se vont virer, dont la plupart sont des femmes. Il a sûrement dû tomber sur mon CV en lisant son horoscope ou en tirant sur les cartes.
Jonathan ne m'en dit pas plus, ça fait plus de six ans qu'il bosse ici. J'ai décidé de creuser. Je me suis trouvé une raison de faire vraiment connaissance avec lui. J'ai commencé par luncher avec aussi souvent que possible, je lui ai raconté ma vie en deux mots et sans détail, on se voyait même après le boulot pour boire un verre. On devenait presque inséparable, au boulot certains se demande si on ne couche pas ensemble. Non du tout, au bout d'un mois j'ai lâché mon enquête. Ces filles doivent passer sous le bureau du connard et puis c'est tout.

Jonathan.

Jonathan s'installe dans les places du fond et vérifie machinalement qu'il n'a pas reçu de message sur son portable. Il surveille l'horloge de son téléphone, agacé du retard de son patron. Dominique aime qu'il donne rendez-vous dans des bars qui lui paraissent cradingues, éloignés des arrondissements qu'il fréquente. Il prend son petit scooter et remonte la rue, il lui suffit de croiser trois jeunes pour avoir l’impression qu'il est à Harlem. Ils ont souvent l'occasion de se voir dans des lieux insolites. Il préfère qu'on ne les voie pas ensemble.
Dominique est entièrement dédié à sa propre personne. Amer, lucide, parfois drôle, à coté de la plaque ou délirant. Il ne parle que de lui. Son égo est pourtant fragile, la moindre critique le blesse. Jonathan est devenu indispensable à son équilibre pour lequel il investit des sommes folles...le prof de gym, le psy, la masseuse, la coke, les putes...c'est à se demander entre ses week-ends et ses maîtresses comment Doumé (comme il l'appelle) pouvait bien trouver le temps de travailler. Il lui passe des factures à six chiffres. De ces années de dealer, il n'a pas oublié que le toxico désire que le vendeur soit intraitable.
Dominique à ses trente minutes de retard réglementaire, chez lui l'impolitesse est un principe. Il est habillé comme si c'était dimanche et qu'il devait passer l’après-midi a faire un foot dans un terrain vague.
Jonathan est grand, les joues creusées, Ray-Ban fumés, il aime la couleur qu'elles donnent aux choses on dirait que l'été trempe dans du whisky. Il a un blouson étriqué en cuir blanc, jambes longues et fines dans son petit jean blanc il porte bien ses fringues. Assis face à face, le boss lui tend une enveloppe. Jonathan avec les jambes écartées on dirait qu'il veut occuper le maximum d'espace avec un minimum de masse corporelle. Il quitte ses lunettes, regarde le contenu de l'enveloppe en quelques secondes. Il remet ses lunettes et dit : 
_Tu es okay pour voir la petite nouvelle demain?
_Dis-lui que je veux déjeuner avec elle et renseignes-toi au plus vite sur cette Jennifer.
Il sort sans payer les consommations ni dire au revoir, le téléphone portable collé à l'oreille. Quel connard pense Jonathan mais dans ses yeux on peut bien voir qu'il est content d'avoir un patron comme ça.
En finissant son demi il réfléchit... ça fait un bail qui ne l'a pas contacté mais il se sent obligé. Il appelle Jennifer. Sans surprise elle ne répond pas il laisse un message vocal en lui donnant un rendez-vous urgent.

Autrefois, Jonathan et Jennifer était tout le temps fourrés ensemble maintenant il l’exaspère. C'est depuis qu'il est devenu trans. F to M. Jennifer ignorait tout de ce vocabulaire, jusqu'à ce que Johanna, sa meilleure amie, décide de devenir Jonathan. Rien que le choix du prénom...la grande confusion. Elles étaient bonnes copines, avaient vécu pas mal de choses ensemble, des marrantes et des plus difficiles. Et un jour Poof! "Je prends de la testostérone" Fuck, Jennifer au début ne voyait même pas de quoi il s'agissait. Elle avait pensé que c'était un truc pour arrêter les douleurs de règles ou prendre du poids. Rien n’annonçait ni ne justifiait cette décision. Il s'agissait juste de se transformer en mec. Jennifer s'était renseignée d'habitude quand les gens font ça c'est que ça les travaille depuis un moment genre j'ai toujours senti que j'étais un mec, enfermé dans un corps de femme. Mais Johanna... franchement c’était juste pour faire chier!
_Mais pourquoi tu fais ça?
_J'ai envie d'essayer! J'ai bien des tatouages, je suis lesbienne, j'ai pris toutes les drogues du monde, pourquoi je ne deviendrais pas un mec?
_Parce que ce n'est pas la même chose! On ne prend pas de la testostérone au quotidien juste pour l’expérience.
Jennifer lui avait aussitôt prédit l'enfer sur terre. Les maladies, la dépression, les remords, le sentiment d'étrangeté sans oublier l'aspect éthique. Merde Johanna tu sais comment c'est con un mec? Et tu veux vraiment qu'on te prenne pour l'un d'eux?  

Jonathan boit son thé c'est un rituel pour lui après manger en fumant sa cigarette électronique. Comment je peux avoir confiance en un gars qui fume un stylo plume?
Jo est content d’être Jonathan avec son petit nœud papillon, jean court, chaussettes apparentes, fine moustache de hipster...il simule si bien l'épanouissement que c'est difficile de ne pas douter. Il s'était fait opérer de la poitrine sans se poser de questions, usant de la même logique absurde pour justifier son geste "je me suis fait augmenter la poitrine pourquoi je me ferais pas ôter les seins?" Si on se met à faire tout ce qui est possible de faire, on n'a pas fini, mais bon...aujourd'hui il porte un petit polo Fred Perry, sous une veste noire Dior homme. Avec ses tatouages, ses traits délicats, ses grands yeux verts et ses cheveux gominés, il a une certaine allure.
Jonathan vide soigneusement les restes de thé vert dans la poubelle avant de rincer le filtre, ça se voit qu'il est maniaque. Il me dit :
_Le boss m'a parlé de toi, demain il veut t'inviter dans un restaurant chic.
_Ah bon! Pourquoi moi? J'aime pas ce mec, sa façon de traiter les employés et tout. Je ne sais même pas si je vais quitter ce job avant la fin de ma période d’essai.
_Mais tu disais que ça te plaisait.
_Oui au départ je pensais mais je suis de ceux qui change très vite d'avis.
Il était un peu déçu de ma réponse, un peu comme un couteau dans le dos de ma part. Il a pris ses affaires, en partant il a dit "tu seras bien obligé" avec un petit clin d’œil.
Comme vous pouvez vous l'imaginer je ne suis pas allée déjeuner. Je n'ai même pas pris la peine de me justifier. Le lendemain matin quand j'ai croisé Jo il m'a dit d'un ton sec :
_Tu es convoquée dans son bureau!
Malgré que je ne l'aime pas j'ai toujours était respectueuse et courtoise avec le patron et je savais bien que Jonathan était son confident privilégié.
J'avais compris, je n'étais pas la première à qui ça allait arriver. Je m'en foutais complètement, je pense que personne ne peut m'atteindre dans le mode de DILLIGAF que j'ai acquis. Rien à cirer qu'il me vire, qu'il s'énerve, qu'il ne valide pas ma période d'essai, la crise, les ravages des 35h ...Il m'a virée comme il m'avait embauché. Caprice du chef.

Jennifer.

Jennifer a toujours mené un train de vie "spéciale" son truc à elle c'est l'événementiel "Special Events" elle écoute Crazy Cavan, The Easybeats et David Bowie. Petite elle volait des disques par paquets en les glissant sous son pull mais elle n'avait aucun talent pour la délinquance. Now les tatouages ont envahi ses bras et ses poignets, a part ça son visage s'est à peine marqué. Elle n'a pas d'appartement fixe, elle n'a pas fait d'enfant, elle n'a pas changé son mode de fonctionnement depuis qu'elle a vingt ans. Elle fait quinze ans de moins que son âge réel, elle dit que c'est parce qu'elle ne met pas de fond de teint. C'est une petite fille de riches. Elle n'a pas l'air d'avoir beaucoup d'argent mais elle a le mental d'une Queen. Ça n'existe pas la lose chez elle. Les gens comme elle, sont des artistes, ils ont des vies intenses. Ils ne sont pas fauchés, Ils planent au-dessus du game. N'avoir rien l'aide à rester futile.
Ce matin Jenny a mal à la tête. "Putain y a pas de coke dans cette coke! on ne sent rien quand on la frotte sur la gencive." La soirée n'a pas été géniale, toujours les mêmes têtes, les mêmes conversations qui tournent en boucle. Elle aurait mieux fait d'aller se coucher en plus elle a un RDV qu'elle ne veut pas manquer. Elle s'en grille une. Davantage que l'alcool ou les drogues, c'est la nicotine qui la fatigue, les matins elle a l'impression de ne plus pouvoir respirer. Il faut qu'elle arrête ça lui abîme la peau de trop fumer, elle s'est mise au tabac sans adjonctions d'agents de texture. Elle sort sur la terrasse, elle respire à pleins poumons, finalement la drogue est montée. C'est maintenant qu'elle la sent, une énergie de petit jour. Prête pour son rencard avec Jonathan.

Jenny est en avance. Elle s’arrête au snack elle veut manger de la viande rouge. Elle n'aime pas ça mais elle est convaincue d'en avoir besoin, une fois par mois, pour le fer, juste après ses règles elle perd tellement de sang on dirait qu'elle se vide pendant les huit jours que sa dure. Cycles de vingt et un jours. Un cauchemar. Elle évite de s'asseoir chez les autres, elle a déjà niqué plusieurs canapés. Troisième millénaire et elle porte les mêmes serviettes hygiéniques que sa  mère à son âge. Sa colle on a l'impression de se balader avec une couche mal mise entre les cuisses, mais vu les performances des tampons elle n'a pas le choix elle doit porter les deux de toute façon les tampons..hein elle sera ménopausée avant d'avoir compris comment ça se met correctement...Non sérieux si les mecs avaient leurs règles, l'industrie aurait inventé depuis longtemps une façon de se protéger high-tech, quelque chose de simple qu'on se fixerait  le premier jour et qu'on expulserait le dernier, un truc clean qu'aurait de l'allure et on aurait élaboré une drogue pour les douleurs prémenstruelles. Ils ont inventé le viagra féminin mais pour les symptômes d'avant règles NADA! Je m'égare un peu làa..non ??
Jenny ouvre son burger et recouvre la viande de ketchup et mayo pour masquer le goût. Ça sent le chapacan. Le snack est cosy mais la nourriture est dégeu. Les frites congelées ont été saupoudrées d'une herbe aromatique qui a dû être congelée elle aussi pour avoir un goût aussi étonnant. Elle boit son Coca et abandonne son assiette.

 Jonathan & Jennifer.

Jonathan est déjà assis en terrasse quand elle le rejoint. Ils se connaissent depuis plus quinze ans.
Malgré la pluie fine ils sont en terrasse pour fumer des clopes. Ils commandent la même chose, deux demis.  Jennifer aime le Cours Ju, l’atmosphère trafiquée pour plaire, les magasins bobos et tout mais depuis une dizaine d'années le quartier est colonisé par des bourgeois, les touristes "it's fucked up" on ne croise plus les belles femmes aux "cheveux sales" comme elle dit. Elle aime voir des femmes heureuses. Nulle part elles ont l'air aussi heureuse. Et ce n'est pas seulement parce qu'elles sont jeunes pleins de fric et jolies c'est parce qu'elles sont gouines et que les gouines sont plus épanouies que les autres femmes ça se voit à l’œil. Comme il dit Tony Montana "the eyes chico they never lie"
Au contact de Jonathan, Jennifer change d'humeur comme chaque fois qu'ils se voient. Il fut un temps Jo trempait dans des magouilles avec des gens louches. Jenny s'en fout, elle a rarement vu quelqu'un mépriser à ce point l'opinion de ses semblables. Il a  toujours été comme ça d'une arrogance telle qu'on ne peut s'incliner.
Il coupe ses cheveux lui-même, ça se voit tarpin et la teinture aussi est faite maison. Les dents sont saines, le regard hautain, difficile à cerner.
Il regarde les bulles dans son verre de demi, il réfléchit. Jenny le laisse se débrouiller.
_Et ta copine quand est-ce que je la vois? elle est comment?
Elle répond : 
_Très mignonne, une bombe. Elle a dix ans de moins que moi.
_Ça la dégoute pas d'être avec une vieille?
_Je la baise bien. Ça rattrape.
Jonathan sourit. C'est leur genre d'humour. Ils travaillent les mêmes blagues depuis toujours.
Jenny finit son verre, cherche la serveuse et demande :
_Tu voulais me voir pour prendre des nouvelles de ma vie sentimentale?
_Ça faisait longtemps qu'on s'était pas vus. Je voulais être sûr que tu n'avais pas cané.
_Tu me connais je butine un peu partout. 
_Qu'est-ce que tu manigances avec mon boss?
Jo a son sourire de vieux pirate. Celui qui sous entend qu'il sait beaucoup de choses dont elle ne parle pas. C'est un joli sourire. Il voudrait sûrement poser d'autres questions, mais une jolie brune au menton volontaire se dirige vers leur table avec un air de surprise mal joué. C'est une belle plante avec quelque chose d'un peu idiote dans l'allure...ouais c'est moi haaa!!

Tout en transpirant la fameuse joie de la féminité, c'est fantastique de jouer la conne en plus je porte un bracelet fluo que m'a fabriqué Luna. Les ongles vernis couleurs saucisse Knacki parce que ça faisait fun et mon parfum est trop capiteux.
_Mais qu'est-ce que tu fais là?
Évidemment quand j'ouvre la bouche j'ai ma petite voix aiguë et désagréable. Jonathan me fixe en souriant sans m'inviter à m'asseoir.
_Je te présente Jennifer...
Il ne faut à Jennifer que quelques secondes pour se faire à l'idée qu'on sort ensemble. Sans cela, Jo jouerait moins sa carte Jonathan Wagner.
_Je viens de me faire virer.
_Ah bon? Doumé encore?
_J'aime pas sa manière de bosser, je sais même pas pourquoi je ne suis pas parti plus tôt! J'ai envie de boire, je peux m'asseoir avec vous?
_Samantha, je suis désolé pour toi. On va en parler plus tard. J'allais partir à l'instant.
Je je je.. j'avale ma salive..c'est quoi déjà le mot...? je déglutis! Je le prends comme une claque mais je reste fière, me sentant obligée de faire bonne figure.
Jo dévisage Jenny et insiste :
_Je suis déjà en retard pour un autre rencard. Mais si tu es libre ce soir si tu veux je t'appelle et tu me raconteras ça.
_WOKAY.
Vraiment sec le okay. Je n'ai pas pu le retenir et ça a plu à Jenny. Faut dire que Jonathan a fait fort. Sans avoir aucune idée du genre de relation dans laquelle on est, ça ne se fait pas de sortir avec une fille et de lui dire je suis pressé quand elle t'annonce qu'elle s'est viré de son travail.
Jenny trouve la situation injuste. Elle m'adresse un clin d’œil et tire la chaise libre à sa droite.
_Assieds-toi quand même, moi j'ai tout le temps!
Il fusille Jenny du regard. Ils se sont déjà piqué ou emprunté quelques copines. Forcément depuis qu'ils se connaissent... Jennifer aborde son sourire de salope!
Mec ça fait partie des lois non écrites mais avec lesquelles tout le monde est d'accord. Si tu traites mal ta maîtresse, j'ai le droit de m'occuper de son cul...
D'un air hautain, Jo ramasse ses clopes, son briquet et l’addition, avec ses longs doigts fins il fait une rasade, très contrarié de partir en nous laissant seules
_Je vais vers Noailles, vous voulez m'accompagner?
_Si tu es vraiment pressé non! Je n'ai pas fini mon verre et mademoiselle n'a pas eu le temps de commander le sien.
Il est très contrarié, il a dit avant de s'éloigner :
_Sam, je peux passer te voir ce soir?
Jenny ne peut pas s’empêcher de penser *Damn ce soir elle sera dans mon lit chéri* Elle n'a pas l'impression que ça créera énormément de tension non plus. Quand on tient à une fille on ne la traite pas comme ça. Elle n'a jamais été monogame. C'est pour les moches ça.

_Il a toujours été ignoble. C'est un genre qu'il se donne. Ne le prends pas pour toi.
_Tu parles de qui?
_Jonathan, de qui veux-tu que je te parle? Tu es blanche, on dirait une aspirine. Je te commande un whisky?
_On se connaît à peine lui et moi on bosse ensemble...oui je veux bien un verre de bourbon en fait.
_J'ai l’œil chou, tu le "date" et il s'est mal comporté. Il ne faut pas lui en vouloir, il est complètement fou. Ça te plaît de bosser dans la déco?
_Oui mais il faut commencer en bas de l'échelle et être vraiment patiente. Je n'ai pas la force de faire la boniche.
_Peut-être que ce n'est pas une si mauvaise journée alors. 
Jennifer commande, rien ne l'attire autant que moi... Non! même pas c'est juste pour faire du tort à Jonathan.
Elle n'y peut rien c'est dans sa nature. Je descends mon verre de bourbon avec panache. Jenny demande :
_Ça va?
_Mieux! Tu le connais bien toi Jonathan?
_On a fait le Vietnam ensemble enfin façon de parler... Mais ça ne me dit pas ce qu'une fille comme toi lui veut.
_Une fille comme moi?
_Tu vois ce que je veux dire. Il joue des deux côtés.
_Ouais on en a parlé un peu.
_Et toi ça fait longtemps que tu es bi?
_Je suis un peu fatiguée, je vais rentrer chez moi.
_Tu es véhiculée?
_Oui.
_Je dois aller prendre l'apéro chez des amis à la Joliette, tu peux me déposer s'il te plaît. 
Elle n'est plus trop sûre de vouloir de moi. Elle a besoin d'un autre verre pour faire le tour de la question. Dans la voiture elle n'y met pas les gants pour m'embobiner, elle essaye d'amener la conversation sur ma sexualité et de zapper Jonathan. Elle ne se démonte pas du tout. Elle commence à m'expliquer en quoi consiste son travail et qu'elle a certainement quelque chose de bien à me proposer. J'étais complètement ailleurs je n'ai rien écouté, quand j'entends "alors tu viens avec moi?"
Comme j'ai été traité de sociopathe aujourd'hui, pour faire un effort sur moi-même j'ai décidé de l'accompagner à son apéro.

La blonde qui nous ouvre la porte est bâtie comme un bûcheron. Elle est épaisse avec une mauvaise peau, front dégarni, ses cheveux sont très fins et elle a les yeux bleus globuleux. Elle nous a servi des cocktails à base de vodka que j'ai immédiatement recrachée. Jennifer s'installe dans la grande pièce et monopolise un joint d'herbe. L'appartement se remplit au fur et à mesure, je perds de vue Jenny. La blonde porte une corbeille de linge avec une clope au bec elle me demande :
_T'as besoin de quelque chose?
_Oui je veux bien un café, elle est ou Jennifer?
_Elle téléphone sur le balcon.
Elle abandonne les vêtements et part me faire un café mais m'oublie en chemin pour tirer sur un joint que lui tend une punkette cheveux roses en jupe brillante, une fée clochette des rues. Je regrette déjà d’être là!
En rejoignant le balcon je croise une fille à crête rouge, torse nu, qui se fait une ligne sur une enceinte. On se croirait dans le salon de Mad Max.
Je retrouve Jennifer assise en tailleur dans un fauteuil d'osier défoncé. Elle a enfilé un short . Elle s'adresse en espagnol à une brune androgyne au crâne rasé. Elle n'a pas la même voix dans les deux langues. Elle est plus aimable en espagnol.
_Jennifer je m'en vais, je suis ravi de t'avoir connu!
Elle reprend sa voix rauque.
_Maaaiiiis non attend y a des personnes que tu connais qui ne vont pas tarder...fond toi dans la masse.
"Des personnes que je connais..? Jonathan sûrement...et alors?!"
Je ne sais plus trop quoi faire, je me demande si toutes ces filles sont lesbiennes. Quelle drôle d'idée, se rassemblé par orientation sexuelle.
Adossée contre un mur, une fille en treillis et marcel blanc, en retrait elle aussi, s'approche vers moi en souriant.
Elle me parle espagnol, je lui fais signe que je ne parle pas la langue. Elle me prend par la main, l'appartement est organisé autour d'un long couloir. Elle ouvre la porte d'une cuisine, elle se fait griller des morceaux de pain qu'elle arrose d'huile d'olive, de citron et de gros sel. Je prends l'assiette qu'elle me tend et je m’appuie contre l'évier. Elle ouvre le frigo, se comporte comme si elle était chez elle. Un bracelet ACDC en cuir noir autour de son poignet, elle dégage une fragilité mêlée à une grande endurance.
En un français médiocre elle me demande si Jenny est ma copine. Je lui réponds non, elle sourit en basculant la tête en arrière pour vider sa bière, elle dit qu'elle s'appelle Leyla et s'éclipse...dans la pièce à côté quelqu'un monte le son, le bruit s'intensifie. Ambiance de fête, c'est devenue mixte, les gens ont bu, ils parlent fort ça ne me dérange pas, je ne comprends rien. Je me lève pour prévenir Jenny que je m'en vais pour de bon maintenant, d'autant que je n'ai pas l'impression qu'elle s'en fasse pour moi. Dans le couloir un petit groupe s'improvise une danse, je reconnais Jonathan parmi eux, il bouge son corps lentement les yeux fermés je n'ose pas le déranger.

La porte d'entrée se trouve dans le salon, bien que je n'ai pas fumé je crois vraiment halluciner.
Un tas de corps nus éparpillés par groupes se chevauchent à travers la pièce, au sol, sur le sofa, sous une table. Une fille a quatre pattes qui n'a gardé que ses bottes en cuir et des petites lunettes rondes à verres rouges, le dos recouvert d'une rose tatouée se fait prendre par une autre fille, cheveux courts et corps musclé.
Assise sur le sofa j’aperçois la lèche cul qui ne dit jamais bonjour au travail. Elle porte une robe à paillettes retroussées jusqu'à la taille, la fée clochette destroy est penchée au-dessus d'elle. Un filet de salive s'écoule de ses lèvres au visage de l'autre. Sa main s'affaire entre ses cuisses. la fille à la robe de soirée soulève le bassin, crie, puis de son vagin rasé jaillissent de longs jets de liquide transparent qui ne ressemble pas à de l'urine. Elles se roulent ensuite l'une sur l'autre, s'embrassent en se disant des choses qui les font éclater de rire. Deux mecs discutent assis à coter d'elles, un des gars fait sécurité dans les bureaux de Dominique. Ils mettent des claques sur les fesses de la fée clochette sans interrompre leur conversation.
Une fille debout, que je vois de profil, enfile des gants de latex blanc qu'elle enduit d'un gel transparent. Elle tient de l'autre main une chinoise chétive par l'épaule, lui écarte les jambes avec les genoux. Derrière elle une brune bloque sa tête en arrière par les cheveux.
Je reconnais Leyla de dos à l'autre bout du salon, penchée sur un mec torse nu, musclés des épaules, tatouages colorés. Elle trace lentement un premier trait, sur le haut de son épaule. Une blessure rouge épaisse, il tourne la tête vers elle et je reconnais le regard vague de ce connard de boss. Il tend sa bouche, Leyla l'embrasse langoureusement puis se redresse et trace un autre trait sous le premier.
La blonde bûcheron les rejoint. Elle tient une brune à peau blanche par la main, lui roule une pelle et se recule en lui mettant des claques sur les joues.
Soudain Jennifer est à mes côtés. Je suis soulagée de la trouver encore habillée, avant de me rendre compte qu'elle aussi porte un gant en latex.
_Alors tu vois qui ne sont pas si cons tes collègues de travail.
_Carrément! Je ne te propose pas de te raccompagner. Je sais où se trouve la sortie.
_On reste en contact Sam. Bisous.
Elle me dévisage brièvement et ressort son sourire de salope avant de s'aventurer au centre de la scène.

Je suis reparti avec une bière à la main, un peu furieuse parce que je j'avais l'impression qu'on m'avait forcée à voir quelque chose qui ne me regarde en rien. Mais pas assez perturbée pour ne pas admettre que je suis fascinée. Rien ne me forcera à retourner là-bas et rien ne m’empêche d'examiner au calme les images que je viens de voir.
Jennifer m'a appelé quelques jours plus tard, on s'est revu avec Jonathan et on a bien accroché.
Je les remercie de m'avoir autorisé et aider à écrire cette histoire.
Comment ai-je pu me nouer d'amitié avec une lesbienne et trans qui vivent dans l’extrême?
Quelqu'un a dit : "Il ne faut se permettre d’excès qu'avec les gens qu'on veut quitter bientôt"

2 commentaires:

  1. Nous raconte pas tes passions pervers nous on attend l'escapade de cet été!

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  2. Tes devenu trop sérieuse dans l'écriture hun. la fée clochette elle mange souvent au Cyntra je vais lui dire que t'as écrit sur elle!

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